Chapitre 8
- aureliefoisil
- 19 août 2017
- 4 min de lecture
Mon père m'avait dit que son rêve était d'aller dans le Montana. Là où le relief monte et ne descendra que sur le Pacifique, au Far West. Le Glacier National Park nous y attend, coincé entre les réserves indiennes des Blackfeet et des Flathead, avec ses quelques glaciers qui résistent au réchauffement climatique et ses animaux sauvages...
My father told me he thought Montana would be the highlight of the trip. So Jean-Charles and I spent some time planning this part with great expectations...

Nous sommes accueillis au motel de Missoula par M. Larue, qui nous dirige vers une chambre beaucoup plus propre et saine que celle du motel de Detroit. De plus, Jean-Charles a loué une voiture qu'il gare devant la chambre.
Pour dîner et prendre des forces avant le périple des prochains jours dans le Glacier National Park, on avise une pizzeria dans le centre-ville où les clients sont habillés comme à New York : jean taille haute pour les filles, cheveux longs pour les garçons.
Le lendemain matin, le réceptionniste du motel a changé : c'est un salarié aux ongles peints en noir, cocard à l'oeil droit et traces de strangulation au cou. Très aimable néanmoins. Il nous dit que son boss, M. Larue a bien pris la réservation pour notre retour. J'espère qu'il n'a pas eu de problème avec lui.
Nous partons donc à bord d'un van Ford blanc comme les neiges que nous espérons apercevoir dans le Glacier National Park. Sur le chemin, nous nous baignons dans Swan Lake, où un couple s'est installé dans deux hamacs tendus l'un sur l'autre. Mais en arrivant au parc vers 18h, tous les campings affichent FULL. Nous assistons au coucher du soleil sur Five Lake, à l'extérieur du parc, où nous avons trouvé une place de camping pour la nuit. Malheureusement, la tente que nous avons prise à Montréal est une tente pour enfants et nous avons du mal à tenir tous les deux dedans. De plus, les moteurs des voitures rugissent sur la route toute proche. La première nuit au Parc n'est pas très réussie.
Le lendemain matin, réservation d'un emplacement dans un camping du Glacier National Park. Ballade à Avalanche Lake. Sur le chemin, le chant d'une rivière nous accompagne en contrebas. La forêt a enfin retrouvé son calme, plus de bruits de moteurs, ni d'avions, ni de voitures. Une brise légère fait de temps en temps frémir les bébés fougères qui parsèment le tapis de mousse des sous-bois. C'est très peu entretenu, les troncs d'arbres morts jonchent le sol en pente. Au lac, nous rencontrons des chipmunks, de petits rongeurs espiègles, et un geai. Au retour, on est escorté par un couple biche et cerf qui descendent la rivière, apparemment habitués à la présence bienveillante des randonneurs. Sur le Trail of Cedars, je tombe sur des arbres millénaires dont le tronc dépasse toutes mes attentes en largeur comme en hauteur. Il paraît que dans le Yosemite Park, des bals étaient organisés sur les souches des sequoias dont la tranche servait de parquet.
Dans le parc, malheureusement, on ne peut pas se faire du café au petit déjeuner. Les feux de forêt font rage à cette saison et la moindre étincelle est prohibée. C'est le ventre vide que nous prenons la Going-to-the-Sun Road en voiture pour monter jusqu'au col du Logan Pass d'où nous pourrons aller au Hidden Lake. La fumée dégagée par les feux de forêt filtre les rayons du soleil levant et les fait apparaître en rasant le flanc des montagnes. Malgré mon manque de caféine, j'apprécie la présence des bouquetins qui nous barrent le passage et dont il faut attendre la fin du repas pour continuer son chemin.
Nous arrivons au Hidden Lake en plein midi. L'eau est si calme que le moindre éclat de voix résonne sur tout le lac. C'est un écrin de verdure : de petits sapins très fins (yews) bordent l'eau vert outremer. Au retour, un randonneur me prête ses jumelles pour observer une chèvre de montagne (mountain goat) blanche qui s'est allongée au bord d'une nappe de neige, semblant profiter du soleil. Sans binocles, elle est invisible, cherche-t-elle à se camoufler ?
En effet, quelques mètres plus loin, des marcheurs apeurés accourent à notre niveau : ils ont vu une ourse avec son petit, la combinaison d'animaux sauvages la plus dangereuse qui soit, selon les guides et les pancartes. Ne pas les regarder, les ignorer sans tourner le dos. C'est difficile quand c'est peut-être la seule fois de sa vie qu'on verra des animaux sauvages de cette taille de si près. Après s'être abreuvée au ruisseau, l'ourse commence une course dans le sens inverse de la direction où on va. Pour ne pas être face à elle, notre rebroussons chemin, mais nous rencontrons une touriste paniquée qui se colle à moi en pensant que sa dernière heure est venue. Pour me rassurer autant que pour la rassurer, je lui dis qu'il suffit de regarder ailleurs, et nous reprenons notre chemin du retour. L'ourson gambade gracieusement derrière sa mère, comme un chiot. On se demande comment des animaux sauvages peuvent ignorer si superbement des êtres humains qui pourraient leur faire du mal. Peut-être que dans les parcs nationaux où la chasse est interdite, les animaux sont si habitués à la présence de l'homme qu'ils n'y font même plus attention, comme dans les zoos.
Pique-nique-méditation devant le glacier Jackson.
Balade à l'ouest du Saint Mary Lake, là où les troncs d'arbre calcinés par les feux alternent avec les cascades. Douche ionisante pour s'hydrater tant l'air est sec et la peau rugueuse. Je ne bois pas assez et suis prise d'un mal de crâne. Heureusement, je suis divertie par deux élans qui traversent un bras du lac à plusieurs centaines de mètres. Ils sont si immenses et ils marchent si lentement qu'on peut les voir sans jumelles. Lorsque le soleil se couche, les troncs nus sur la crête des montagnes en contrejour ressemblent à une courte barbe fine.
Nous quittons le Glacier National Park dans la nuit rougie par les feux de forêt. L'odeur de brûlé ne nous a pas quittés de la journée.
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